Voici la saison des voyages

Voici la saison des voyages, la saison claire où l’on aime les horizons nouveaux, les vastes étendues de mer bleue où se repose l’œil, où se calme l’esprit, les vallons boisés et frais où parfois le cœur s’attendrit sans qu’on sache pourquoi, quand on s’assied, au soir tombant, sur un talus de route en velours vert et qu’on regarde, à ses pieds, un peu d’eau brune et dormante où se mire le soleil couchant au fond de l’ornière creusée par des roues de charrettes.

Guy de Maupassant, En Bretagne, extrait des chroniques Le pays des korrigans, En Bretagne et En carême parues (1880 – 1883)

Cannes étendait ses lumières

Puis je montai m’asseoir au grand air. Autour de moi, Cannes étendait ses lumières. Rien de plus joli qu’une ville éclairée, vue de la mer. À gauche, le vieux quartier dont les maisons semblent grimper les unes sur les autres, allait mêler ses feux aux étoiles ; à droite, les becs de gaz de la Croisette se déroulaient comme un immense serpent sur deux kilomètres d’étendue. Et je pensais que dans toutes ces villas, dans tous ces hôtels, des gens, ce soir, se sont réunis, comme ils ont fait hier, comme ils le feront demain, et qu’ils causent. Ils causent ! de quoi ? des princes ! du temps !… Et puis ?… du temps !… des princes !… et puis ?… de rien

Guy de Maupassant, Sur l’eau. Texte publié dans Les lettres et les arts du 1er février 1888