Écouter les étoiles et trembler

Les arbres se livrent peu à peu à leurs branches, penchent vers leur couleur et poussent en tous sens des feuilles pour se gagner les murmures de l’air. Ils respectent comme des dieux leurs images dans les étangs où tombent parfois des feuilles sacrifiées. Les racines se demandent s’il faut ainsi s’accoupler au sol. Au milieu de la nuit l’une sort de terre
pour écouter les étoiles et trembler. La mer entend un bruit merveilleux et ignore en être la cause.

Extrait de Âge des cavernes, Jules Supervielle (1884 – 1960)

L’insomnie des couleurs

Les poissons qui se croisent feignent de ne pas se voir. Puis se cherchent durant des siècles. Les rivières s’étonnent d’emporter toujours le ciel au fond de leur voyage et que le ciel les oublie. Le ciel ne pose qu’une patte sur l’horizon, l’autre restant en l’air, immobile, dans une attente circulaire. Tout le jour la lumière essaie des plumages différents et parfois, au milieu de la nuit, dans l’insomnie des couleurs.

Extrait de Âge des cavernes, Jules Supervielle (1884 – 1960)

Les rêves se prêtent main-forte

La terre se croit une forêt, une montagne, un caillou, un souvenir. Elle a peur de l’horizon et craint de se disperser, de se trahir, de se tourner le dos. La nuit, le corps le long des corps, les visages près des visages, les fronts touchant les fronts, pour que les rêves se prêtent main-forte. L’âme bourdonne et s’approche pour voir comment bat un cœur dans le sommeil.

Elle confond les étoiles avec les grillons et les cigales. Elle aime le soleil qui n’ose pas pénétrer dans les cavernes et se couche comme un chien
devant le seuil.

On reconnaît les songes de chacun au dessin des paupières endormies.

Extrait de Âge des cavernes, Jules Supervielle (1884 – 1960)