Cette prétention que nous avons de contrôler la conduite des autres

L’agitation des villes grandes et petites, de tous les groupes de la société, la curiosité méchante, envieuse, médisante, calomniatrice, le souci incessant des relations, des affections d’autrui, des commérages et des scandales, ne viennent-ils pas de cette prétention que nous avons de contrôler la conduite des autres, comme si tous nous appartenaient à des degrés différents ?

Et nous nous imaginons en effet que nous avons des droits sur eux, sur leur vie, car nous la voulons réglée selon la nôtre, sur leurs pensées, car nous les réclamons de même ordre que les nôtres, sur leurs opinions, car nous ne les tolérons pas différentes des nôtres, sur leur réputation, car nous l’exigeons selon nos principes, sur leurs mœurs, car nous nous indignons quand elles ne sont pas soumises à notre morale.

Guy de Maupassant, Sur l’eau — Saint-Tropez, 12 avril, publié dans Les lettres et les arts du 1er mars 1888